C’est l’autre facette du « choc des savoirs », le nom trouvé pour euphémiser sur l’entreprise de tri social généralisé pour le collège. Le conseil supérieur des programmes, institué par l’ex ministre Blanquer, a rendu un avis pour parer à un triple constat qu’il exprime ainsi : « Les résultats médiocres des élèves français aux évaluations nationales et internationales ; L’incapacité à réduire les inégalités d’origine socio-culturelle ; L’orientation trop souvent par défaut vers la voie professionnelle ».

Incapables de mesurer l’impact des réformes et des politiques publiques en matière d’éducation, qui ont désorganisé le collège et le lycée en supprimant continuellement des postes d’enseignants, de CPE, d’AED, de personnel médico-social et de PsyEN, de sorte que s’est considérablement dégradé le taux d’encadrement de nos élèves. Incapables, également, de voir ou reconnaître que l’attractivité des métiers de l’Éducation nationale est un réel problème qui ne pourra pas se résoudre sans examiner la question salariale et des conditions de travail…

Outre les mesures déjà annoncées par le ministère et qui s’inspirent de l’avis du CSP (groupes de niveau, classe prépa lycée…) on ne peut que s’inquiéter de l’accueil qui sera fait aux propositions restantes, comme « rétablir l’ordre » et donner la « priorité aux apprentissages disciplinaires ».

« Rétablir l’ordre »

Nos missions, consacrées de haute lutte dans notre circulaire de 2015, déplaisent visiblement aux rapporteurs, qui souhaitent « recentrer les missions des conseillers principaux d’éducation (CPE), sur le respect du règlement intérieur par les élèves et leurs parents, et le soutien vigilant à l’autorité des enseignants en cas de difficulté avec un élève. » Ils ajoutent vouloir « des sanctions réelles et immédiates pour les élèves perturbateurs avec exclusion automatique de la classe, pouvant aller jusqu’à l’exclusion de l’établissement en cas de récidive ». C’est toute la dimension éducative du métier qui est volontairement ignorée ainsi qu’un.e CPE concepteur et conceptrice de son activité. Le suivi éducatif, cœur de métier, et le lien des CPE à la sphère pédagogique est réduit aux acquêts.

« Rétablir l’ordre ». Voilà, après le « réarmement civique », le « réarmement démographique », la suite du vocabulaire belliqueux cher à ce gouvernement.

Autrement dit, c’en serait fini de l’écoute de la parole de l’élève. Quid du respect des règles de droit, comme le contradictoire, si la sanction est immédiate ? Quid de la réalité du métier du CPE, qui va recevoir toutes les heures des dizaines d’élèves exclus car venus sans livre, sans stylos, sans avoir fait son travail ? Des CPE qui, débordé.es par les flots d’exclus, seront dans l’impossibilité de les recevoir pour entamer le travail éducatif.

Autre passage : « Le maintien de la discipline scolaire et le respect dû aux enseignants […] contribueront enfin grandement à la restauration de l’attractivité du métier d’enseignant » Nous voilà, nous CPE, responsables des problèmes d’attractivité des métiers. Bien mal avisés, les rédacteurs auraient pu auditionner une délégation du SNES-FSU, ce qu’ils se sont refusés à faire. Nous leur aurions dit les maux de nos métiers : déconsidération de la part de notre ministère et des rectorats, accumulation d’injonctions souvent contradictoires, expertise professionnelle des CPE ignorée, un corps d’inspection devenu fer de lance du néo-management et ignorant volontairement notre circulaire de missions, profilages de postes, dévalorisation salariale depuis plusieurs décennies, réformes visant à détruire les collectifs de travail…

Les disciplines, rien que les disciplines

Nous savions déjà l’obsession du ministère Attal pour la traque des heures perdues. Dans un monde où les postes d’enseignant.es sont rabotés, et les postes de remplaçant.es réduits à leur portion congrue, on en est réduits à racler les fonds de tiroirs.

Confirmation dans ce document : « il faudra veiller à ce que les enseignants soient effectivement devant les élèves pendant la totalité des horaires hebdomadaires et annuels prévus. Toutes les heures dues aux élèves doivent être effectuées intégralement. Il en découle, notamment, que la formation continuée et continue des enseignants devra se tenir hors du temps scolaire. En outre, l’élimination du temps perdu par les professeurs pour les actions administratives et le maintien de la discipline, particulièrement dans les établissements en difficulté, doit devenir une priorité nationale ».

Cette conception, peu respectueuse des droits des personnels à se former sur leur temps de travail, est déjà une grosse régression du droit à la formation tout au long de la vie.

Elle se double d’une conception minimaliste de l’école, puisque le CSP préconise de « limiter le nombre des activités, projets, journées et parcours divers qui viennent s’ajouter aux enseignements disciplinaires sans augmentation du cadrage horaire global. La priorité donnée aux apprentissages disciplinaires et à l’orientation doit redevenir une réalité » . Façon, de mettre à mal la liberté pédagogique des enseignant.es.

C’est, par cette approche, tout le travail de fond des équipes pluriprofessionnelles qui se trouve menacé : formation des délégué.es de classe, des éco-délégués, au CVC, CVL, travail de prévention sur les conduites à risques, sur l’usage des réseaux sociaux… Quid de l’effectivité d’une politique éducative d’établissement ? Que vont devenir les sorties scolaires, la découverte de l’environnement, l’éducation par l’exemple ? A partir de 1936, le ministre de l’éducation nationale du Front Populaire, Jean Zay, avait révolutionné l’École en introduisant les sorties au musée, au théâtre, les classes vertes… Le ministère Oudéa-Castera sera-t-il celui du retour au siècle dernier comme nous le prédit « le retour de l’uniforme » et la volonté de généraliser le service national universel ?

Du Surgé au CPE, et ensuite, retour au Surgé ?

La figure autoritaire du surveillant général, inspirant crainte et colère, voire haine de la part des élèves, est aujourd’hui lointaine, notre métier de CPE s’étant construit dans les années 60 et 70. Pourtant, l’appel à recentrer les missions des CPE sur l’autoritaire, la sanction, le gardiennage des récalcitrants ; et la suggestion de suppression des activités éducatives et de prévention ; nous en approchent dangereusement. C’est d’ailleurs l’effet induit du néo-management introduit dans les services publics au tournant des années 2000 et que le SNES-FSU ne cesse de combattre.

La formule utilisée « recentrer les missions », quant à elle, appelle en creux à une redéfinition de notre circulaire de mission, pourtant récente (2015).

Cet avis est une menace directe pour notre métier, nos statuts, nos missions, et pour le bien-être des élèves.

Les CPE du SNES-FSU ont toujours l’ambition d’être actrices et acteurs de la construction de leur profession, et de contribuer à son évolution. L’histoire de notre catégorie, dans laquelle le SNES-FSU s’est inscrit avec détermination à chaque étape, nous interdit de céder aux attaques. Plus que jamais soyons offensifs et affirmons notre originalité dans le système éducatif européen, notre place irremplaçable auprès de l’élève, de sa famille, des autres personnels ainsi que notre professionnalité qui passe par une formation ambitieuse, une réflexion collective sur nos pratiques et une reconnaissance de nos missions.

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