21 mai 2019

Retraite et Protection sociale

Alerte rouge sur les retraites !

Syndicats et patronat ont eu, le 6 mai, un ultime rendez-vous avec le Haut-Commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye. C’était leur dernière séance, mais depuis la conférence de presse d’Emmanuel Macron, le rideau était déjà tombé. Le chef de l’État a tranché le débat sur l’âge légal de la retraite, qui divisait l’exécutif depuis un mois mais a surtout confirmé son intention de mener « une réforme beaucoup plus large » avec « un nouveau système par points ». Il a aussi évoqué un « allongement de la durée de cotisation  » et un « système de décote » pour financer son projet.

« Delevoye a gagné : l’âge légal restera à 62 ans » et « ceux qui plaidaient pour y toucher en sont pour leur grade », observait Dominique Corona ( UNSA ). Illusion totale d’une victoire !!!

« Ça ne mange pas de pain de maintenir l’âge légal », puisque « les gens auront une trop petite retraite pour partir à 62 ans  », affirmait Catherine Perret ( CGT ). Pour « la moitié (qui) n’est plus en emploi à cet âge  », la réforme qui se profile sera « une double peine », ajoutait-elle.
Ce que la FSU affirme aussi.

« Une triple peine », renchérissait Philippe Pihet ( FO ), pour qui un système en points avec une décote en fonction de la durée d’activité « fabriquera des retraités pauvres à la chaîne ». Le syndicat, qui a quitté la concertation avant la dernière réunion, se considère « conforté » dans son choix. « Delevoye n’avait jamais parlé de décote », soulignait Philippe Pihet, avant d’asséner : « La concertation est morte, c’est le Président qui l’a tuée ».

Même chez ceux qui ont joué le jeu de la discussion « ouverte », le malaise est palpable. « Faire cotiser plus longtemps, ce n’est pas la bonne solution », estimait Pascale Coton ( CFTC ). Outre le taux de « seniors sans emploi », elle pointait le fort chômage des jeunes et s’inquiétait d’une mesure qui « va encore fragiliser la situation des femmes », déjà nombreuses à prolonger leurs carrières au-delà de l’âge légal.
Cette crainte est pleinement partagée par la FSU.

«  Le problème dans ce dossier, c’est que les querelles internes à la majorité parasitent la concertation », s’agaçait Frédéric Sève ( CFDT ), avertissant aussi «  de ne pas franchir la ligne rouge sur les 62 ans  ».
Côté patronal aussi, les négociateurs sont restés sur le qui-vive. Le président « maintient les 62 ans mais en même temps les détourne » par « un tour de passe-passe », relevait Éric Chevée ( CPME ), qui aurait préféré « passer l’âge légal à 63 ans minimum ».

Même son de cloche au MEDEF avec Geoffroy Roux de Bézieux qui proposait de repousser progressivement l’âge à 64 ans : « Soit on ne touche rien et on va être obligés de baisser les pensions, soit on se pose la question ».

« L’âge légal était un faux débat. L’essentiel c’est la valeur du point, pour savoir quel sera le montant de la retraite à 62 ans », expliquait Alain Griset ( U2P ) en ajoutant « Si c’est Bercy qui fixe la valeur du point, on sera tous plumés un jour ou l’autre ».
Voilà un point de vue que la FSU partage, même énoncé par cette organisation représentative des artisans !!!

Comment comprendre alors les propos du président de la République sur un allongement de « la durée de cotisation (…) sans bouger l’âge légal », en instaurant « un système de décote qui incite à travailler (…) plus longtemps  ».

Avant 2025, date à laquelle la réforme systémique par points entrerait en vigueur selon le calendrier prévu, il pourrait y avoir, pour pousser les salarié-e-s à rester en activité, des ajustements rapides sur les paramètres selon deux hypothèses :

    • La mise en place d’un âge pivot en dessous duquel une décote supplémentaire serait appliquée pour le calcul de la pension et qui s’ajouterait aux décotes existantes aujourd’hui en fonction des trimestres manquants ; ça existe déjà depuis le 1er janvier 2019 pour la retraite complémentaire du privé AGIRC-ARCCO avec une minoration de 10 % s’appliquant pendant 3 ans au montant de votre pension si vous partez entre 62 et 63 ans. Si vous partez à 63 ans, la minoration s’annule ;
    • Une augmentation des durées d’assurance nécessaire pour toucher une pension de retraite à taux plein ( aujourd’hui montée en charge selon l’année de naissance vers 172 trimestres pour les personnes nées à partir de 1973 ).

Jean-Paul Delevoye et la « bande à Macron » ont menti pendant 18 mois de concertation.

Il y aurait bien deux réformes en préparation, une paramétrique dès le vote du PLFSS ( Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale ) à l’automne 2019 et l’autre systémique pour le plus long terme, les deux constituant de fortes menaces sur le niveau des pensions de tous. Une dégradation pourrait donc s’appliquer aux agents proches du départ à la retraite. Le maintien de l’âge légal de retraite à 62 ans serait accompagné de pénalités ce qui constitue une fausse liberté offerte à chacun et chacune puisque cela baisserait le montant des pensions.

Le rapport du Haut-Commissariat est prévu début juillet. Les craintes restent les mêmes sur ce régime universel par points où les salariés cotisent à l’aveugle sans garantie sur le niveau de pension par rapport à leur dernier salaire. Il n’y a rien de plus illisible qu’un système dans lequel on ne peut pas connaître à l’avance le montant de sa pension !

Les éléments de calcul du nouveau système pourraient même minorer le niveau des pensions en fonction de l’âge de liquidation, rendant les 62 ans purement théorique.
Le SNES-FSU rappelle encore une fois son attachement au code des pensions et affirme que la simplification n’est pas toujours synonyme de justice. Il s’oppose à toute nouvelle dégradation des droits.

Il y a donc une double urgence pour notre organisation syndicale à mener une large campagne d’information auprès des personnels sur des mesures régressives dans le système actuel et sur un projet catastrophique, en particulier pour les fonctionnaires.
Les enjeux de mobilisation sont énormes dans des batailles proches puisque le gouvernement devrait présenter son projet de loi mi-septembre afin qu’il soit discuté dès l’automne au Parlement.

 Marie-Laurence MOROS