5 janvier 2020

Nos métiers

Comité de suivi de la réforme du lycée : circulez, y a rien à voir !

Comité de suivi de la réforme du lycée : circulez, y a rien à voir !

Rien n’est prêt donc tout est prêt

Mercredi 18 décembre a eu lieu la première réunion du comité académique de suivi de la mise en place de la réforme des lycées, présenté par la rectrice comme une déclinaison académique du comité ministériel.

Peu importe le stress des acteurs de terrain...

Dès le début, le ton est donné : il s’agit de « réfléchir pour construire la réforme des lycées aux nécessaires expérimentations à faire. »

C’est donc désormais la nouvelle manière officielle de travailler dans le service public de l’Éducation Nationale : on improvise, on expérimente !
Blanquer décrète donc ça existe et ça fonctionne, débrouillez-vous ! Peu importe le stress des acteurs de terrain...

ILS réfléchissent pour nous

Mais que ces derniers se rassurent, ON réfléchit pour eux. Car ce qui saute aux yeux dans ce comité, c’est sa composition : 1 représentant élève, 1 représentant des parents d’élèves, 4 personnels d’enseignements et d’éducation, 3 chefs d’établissement et 21 représentants de l’administration centrale : rectrice, directeur de cabinet, secrétaire générale, doyen de l’inspection, inspecteurs, DASEN, SAIO, ...

Tout ce petit monde semble satisfait de se réunir dans cet entre-soi, satisfait de son travail sur la réforme, comme en témoignent les soporifiques diaporamas creux et certifiés novlangue 2.0 que l’on nous a assénés tout le début de cette réunion.

Extrait d’un diaporama de ce comité de suivi de la réforme de l’académie de Grenoble, oeuvre d’un groupe de travail fécond...
Extrait d’un diaporama de ce comité de suivi de la réforme de l’académie de Grenoble, oeuvre d’un groupe de travail fécond...

Campus, dynamique, réseau, mixité, sécuriser les parcours, filière de réussite, engouement fort des équipes, projets...

Un peu comme le spectacle de Franck Lepage :

Bref, la prise de pouvoir des gestionnaires au grand jour, à laquelle s’ajoute la trahison des ex-profs que sont les IPR qui participent à cette farce.

30 minutes de diapositives toutes plus grotesques les unes que les autres pour que ces gens se congratulent de revaloriser la voie professionnelle. Face à une telle réussite, ils vont probablement pousser leurs propres enfants à y aller...

Tout change pour que rien ne change

Une présentation des choix d’enseignements de spécialité par les élèves confirme ce que nous dénonçons depuis toujours, la réforme n’a rien changé. 67% des élèves ont choisi les maths, la moitié des élèves suivent des enseignements scientifiques, les enfants des professions et catégories socio-professionnelles favorisées font davantage le choix des sciences que les autres et les filles choisissent davantage la littérature et les sciences humaines comme le montre ce graphique du rectorat de Rennes :

La fin de l’hégémonie des sciences ?
Les lignes oranges représentent les pourcentages pour l’ensemble des élèves indiqués en haut à gauche du graphique

« L’hégémonie » de la filière S a cependant été le prétexte pour casser le lycée.

ILS réfléchissent pour nous, bis

A mi-séance on nous apprend que des groupes de travail ont été constitués pour la mise en place de la réforme, mais bien évidemment aucun collègue n’y a été invité.

Un premier groupe de travail réfléchit à la mise en œuvre et les évolutions des pratiques pédagogiques.
On y apprend qu’il va falloir apprendre aux élèves à assumer leurs choix (tiens donc ?) et que nos pratiques vont devoir évoluer, plus de travail en équipe, des pratiques évaluatives communes, des partages pédagogiques, répartition des tâches, blablabla...

Nota : on ne parle surtout jamais de moyens dans ces présentations.

Un deuxième groupe de travail réfléchit sur les E3C et les pratiques évaluatives. On y apprend qu’une véritable réflexion pédagogique doit être conduite sur ce que les E3C vont mesurer. Surréaliste !

Le bac en salle de classe
Exemple de problème concret pour les E3C

Innovations, innovant sont les seules réponses à chaque problème soulevé.

Le troisième groupe de travail a pour objet le suivi et l’accompagnement des élèves, l’évolution des conseils de classe et des professeurs principaux. Là encore tout va bien se passer, la réforme a détruit le groupe classe mais ce n’est pas un mal, les collègues auront une attitude positive et constructive, une charte sur l’orientation va être mise en place, blablabla...

Stupeur dans l’assemblée : des profs veulent enseigner !

Après deux heures de réunion, aucune réponse concrète n’a été apportée, et notre intervention pour dénoncer la difficulté des collègues qui eux doivent concrètement mettre en œuvre cette réforme a jeté un froid dans cette assemblée qui s’auto-congratulait (froid de courte durée : les contradictions de la loyauté lui donnent une grande résilience !)

Que veulent les profs ? Enseigner ! (quelle révélation !)
Avec du temps pour le faire,
des objectifs clairs, définis, connus à l’avance et stables,
des conditions matérielles les meilleures possibles, des effectifs les plus faibles possibles, des salles agréables et fonctionnelles avec du chauffage l’hiver et ventilées, des ordinateurs qui ne mettent pas 15 minutes à démarrer, des imprimantes avec de l’encre, des photocopieurs avec du papier...

Au quotidien notre travail est empêché, et c’est là-dessus que devraient plancher tous ces gestionnaires, nous n’avons pas besoin de leurs diaporamas tellement creux qu’ils sont réutilisables pour n’importe quel sujet.

Les conditions de mise en place de cette réforme sont un véritable mépris de notre travail et l’essence même de cette réforme ampute les professionnels de l’enseignement que nous sommes du sens même de notre travail.

Stop à l’improvisation, stop aux E3C, stop à cette réforme qui détruit le sens de notre travail et de nos métiers.

https://www.snes.edu/article/stop-a...
https://www.snes.edu/agissons/outil...
E3C : agir pour obtenir de meilleures conditions