24 septembre 2020

Sections départementales

Déclaration liminaire de la FSU Ardèche au CTSD second degré du 24 septembre 2020

Le Comité Technique Spécial Départemental de l’Ardèche s’est réuni jeudi 24 septembre 2020 pour faire un bilan de la rentrée dans les établissements du second degré. Voici la déclaration liminaire qu’y ont lu les représentantes du SNES-FSU. Elle est téléchargeable au format pdf en fin d’article.

Une rentrée dans la joie...

« Tout est prêt […], c’est presque une rentrée normale » disait J. Castex le 26 août ; « il ne manquera pas de professeurs pour cette rentrée » surenchérissait JM. Blanquer le 31, avant de tirer le bilan une semaine plus tard devant les députées en affirmant que « la rentrée s’est passée dans la joie ». Entre mensonges et méthode Coué, au mépris des personnels, des élèves et des familles, la communication gouvernementale contribue à une délégitimation toujours plus forte de la parole de l’exécutif et à l’installation d’un sentiment de défiance, voire de colère chez les personnels.

Sur le territoire ardéchois comme partout ailleurs, avec un protocole sanitaire connu l’avant veille, de nombreux postes et BMP non pourvus, des organisations pédagogiques censées répondre à des injonctions impossibles à mettre en œuvre (comme la limitation du brassage des élèves entre niveaux), c’est dans une grande impréparation, voire dans la confusion que les personnels ont fait leur rentrée, à l’exact opposé de ce qu’affirmait la communication gouvernementale. Les quelques équipes qui avaient pris le parti de rentrer un jour avant pour se donner le temps de préparer au mieux ce mois de septembre pas comme les autres, en ont été pour leurs frais puisque le vendredi 28 août, le flou régnait encore sur de nombreux points. Il semble aujourd’hui évident qu’une partie des services pour le moins ont été débordés : c’est la conséquence, certes, de la concordance de la situation sanitaire et du télétravail qu’elle impose, mais aussi et surtout des modifications profondes provoquées par la loi de transformation de la fonction publique dans la gestion des personnels, et du manque flagrant de personnel, peut-être plus encore dans notre académie qu’ailleurs ; toutes choses que nous n’avons cessé de dénoncer. Le résultat est que, contrairement à ce qu’a affirmé M. Blanquer, il manquait de nombreux professeurs ou CPE à la rentrée dans les établissements ardéchois, sur des BMP, des remplacements pourtant prévus ou même sur certains postes. Trois semaines plus tard, il manque encore des enseignantes dans plusieurs établissements.

L’école, une exception sanitaire ?

Sur le plan sanitaire, c’est la confusion la plus totale. Alors que la situation sanitaire se dégrade partout sur le territoire et que les mesures de restrictions sont renforcées par les préfets, le gouvernement annonce à contre courant un allègement de la durée de quarantaine à 7 jours – contre l’avis de l’OMS notons-le, et contrairement à ce que font l’ensemble des pays voisins – et un allègement de la gestion des cas contacts en milieu scolaire (il en faudrait désormais 3 positifs dans une même classe pour qu’une mise en quarantaine puisse être envisagée). Où est la cohérence, sinon celle « d’avoir moins de classes fermées » comme l’affirmait le ministre ce lundi sur RTL ? Il faut pourtant savoir que selon le dernier rapport épidémiologique régional de santé publique France, c’est le milieu scolaire et universitaire qui arrivait en tête du nombre de clusters actifs en Auvergne-Rhône-Alpes (24%), devant les EHPAD et les rassemblements. Certes, aucun ne se trouvait alors en Ardèche, mais cela risque de ne pas durer longtemps.

On a vraiment l’impression que le ministère se désintéresse des conséquences sur la santé des personnels – notamment des plus vulnérables – des élèves et de leurs familles. D’ailleurs, dans la dernière lettre d’information adressée désormais chaque semaine aux enseignantes et titrée « l’actualité de l’école, chaque semaine », pas un mot sur la crise sanitaire. Plus grave, lors de sa conférence de presse tenue hier, le ministre de la santé, qui annonce des restrictions majeures face à l’aggravation de la situation sanitaire n’a pas prononcé une seule fois le mot école. Comment comprendre que d’un côté les rassemblements de plus de 10 personnes, masquées et en extérieur, soient interdits dans certaines villes, et que de l’autre, les élèves restent entassés dans les classes et dans les restaurants scolaires, comme si le virus n’entrait pas à l’école. C’est le règne de l’absurde !

Faire face sans moyen.

Dans le domaine pédagogique, là aussi, le désintérêt, voire le mépris du ministre semble total. Face au défi considérable et inédit que constitue l’interruption de tout ou partie de la scolarité des élèves au mois de mars dernier, et les retards d’apprentissages qui en découlent, le ministère botte en touche. Rien ou presque n’est prévu, aucune réflexion n’a été sérieusement menée sur l’aménagement des programmes et des examens, comme n’a eu de cesse de le réclamer le SNES-FSU depuis avril dernier. Pire, profitant de la pause estivale, les programmes ont même été alourdis dans certaines matières pendant l’été (c’est le cas en HG-EMC par exemple, contre l’avis unanime des organisations syndicales et professionnelles) ! Et ce n’est certainement pas le dispositif des « vacances apprenantes », mis en avant par la communication du ministre jusqu’à la veille de la rentrée, qui risque de remédier aux difficultés des élèves : en plus des sérieux problèmes éthiques qu’il soulève (par ex. le groupe Auchan a lancé une opération de soutien scolaire dans ses centres commerciaux avec la labellisation du ministère), il n’a concerné qu’un nombre très limité d’élèves. D’ailleurs, combien d’élèves ardéchois ont pu en bénéficier ?

Quant aux évaluations nationales et à « devoirs faits », deux dispositifs qui préexistaient à la crise, on voit mal en quoi ils peuvent prétendre répondre à la situation actuelle. La question est d’autant plus importante, que nous constatons déjà que, après 3 semaines de classe, les absences s’accumulent déjà à un niveau inquiétant, faisant craindre une aggravation des difficultés dans les apprentissages et un creusement des inégalités entre les élèves. Face à cela, en dehors de promouvoir auprès des familles la fameuse « continuité pédagogique » qui sert surtout pour la communication officielle à masquer son impossible mise en œuvre, que prévoit le ministre pour répondre aux besoins des enseignants et des élèves ? Comment préserver la continuité des apprentissages pour les absents tout en faisant cours aux présents ?

Abandon, fatigue et souffrance pour tous !

C’est donc avec un sentiment d’abandon et une grande fatigue, physique et psychologique, que les personnels ont débuté cette année scolaire. Fatigue parce que comme lors du déconfinement, même si les conditions ont changé et qu’on peut se féliciter du retour en classe de tous les élèves, nous fonctionnons encore en mode dégradé. Le port du masque, obligatoire et désormais indispensable pour protéger élèves, familles et personnels et éviter le retour d’une école à distance délétère, complique la pratique de notre métier. Enseigner avec un masque, c’est forcer pour projeter sa voix plusieurs heures pas jour. Nombre de collègues se plaignent de maux de gorges et de migraines. D’autant que les masques fournis par l’Éducation nationale, qui rétrécissent au lavage à 60° et ne permettent pas au Président de finir sereinement ses discours, ne sont pas adaptés à l’enseignement. Mais les alternatives coûtent sans doute trop cher et ce sont encore une fois à leur frais que les enseignants devront s’équiper s’il veulent abandonner ces masques DIM.

De plus, les organisations mises en place dans de nombreux établissements (par ex. au niveau des emplois du temps ou de l’occupation des salles), sans concertation des personnels faute d’avoir eu le temps de le faire (nous avons déjà expliqué pourquoi), rajoutent aux difficultés et obligent les enseignants à changer dans l’urgence leurs pratiques, en général pour faire moins bien. De là vient la souffrance au travail : c’est encore dans le cœur même de leur métier que les professeurs et les autres personnels d’éducation, médico-sociaux, etc, voient leur quotidien se dégrader. Il n’est plus à prouver que ce n’est que par l’engagement de ses personnels que l’Éducation nationale arrive encore à remplir au mieux ses missions. Mais le bilan de ces premières semaines fait craindre que l’édifice ne se fragilise très vite.

Face à cette souffrance, le ministère préfère jeter de l’huile sur le feu. Comment s’étonner, dans cette ambiance bien peu sereine, de la colère de professeures découvrant par hasard de questions complémentaires, mais loin d’être anodines, ajoutées dans la plus grande discrétion à la fin des évaluations nationales imposées par le ministère ? S’il est tout à fait légitime de chercher à en savoir plus sur la façon dont les élèves ont vécu cette période si particulière du confinement, le mélange des genres est pour le moins problématique. À quoi pourront bien servir des résultats d’une enquête sur la perception par les élèves du travail des professeures, intégrés à un test visant à évaluer les connaissances des élèves ? Seront-ils utilisés pour relancer une campagne de profbashing, comme celle que le ministère a relayée sinon initiée au printemps dernier sur le thème des « profs décrocheurs » ? Nous ne pouvons que dénoncer la confusion entretenue par le Ministère sur la nature de ces tests. Nous rappelons aussi que pour nous les évaluations nationales standardisées ne sont en rien des réponses adaptées pour répondre au défi du retour en classe de tous et des difficultés scolaires qui vont apparaître à cette occasion. Ce qu’il faut, ce sont des moyens humains supplémentaires, donc des postes et les heures qui vont avec. Pas des tests accompagnés de volants d’HSE, même importants, qu’il sera bien difficile de donner à des enseignants, nous l’avons dit, déjà fatigués, et peut-être aussi parce qu’ils sont déjà souvent contraints de supporter deux heures supplémentaires « obligatoires ».

Port du masque : et si on réfléchissait ?

Pour finir, revenons sur le problème des masques. Devoir les porter 5 jours par semaine quasiment en permanence dans les établissements pose des problèmes pour les élèves comme pour les personnels. Une réflexion doit pouvoir être menée au sein des établissements pour aboutir à des propositions d’aménagement de temps et d’espaces dans lesquels il sera possible d’ôter son masque en toute sécurité et sans avoir à transgresser la règle. Il s’agirait aussi de rechercher le maximum de cohérence, pour obtenir l’adhésion de toutes, à une règle très contraignante car comment expliquer aux adultes comme aux élèves qui s’entassent le plus souvent sans distanciation au self, qu’ils doivent impérativement conserver leur masque à l’extérieur, même lorsqu’ils sont à distance les uns des autres ? Cette réflexion doit aussi amener au constat qu’une part non négligeable des élèves ont des masques inadaptés (trop grands, trop petits…) voire portent manifestement le même chaque jour depuis la rentrée. Si le masque constitue l’alpha et l’oméga de la politique sanitaire à l’école, à défaut d’une politique plus ambitieuse, alors le ministère doit fournir des masques chirurgicaux aux personnels et aux élèves. C’est la responsabilité de l’État de fournir les moyens humains et matériels qui permettront de surmonter la crise.

DL CTSD 20200924
Déclaration liminaire SNES-FSU Ardèche.