15 mars 2018

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Lycée, Bac, ParcoursSup : une idéologie à combattre

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Lycée, Bac, ParcoursSup : une idéologie à combattre

2 avril, dernière minute : les projets de grilles horaires sur le site national.

En lançant simultanément des réformes sur l’accès à l’enseignement supérieur, le baccalauréat et le lycée, le gouvernement met en place une formidable machine de tri social.

Clé du dispositif, le plan avenir étudiant et l’application « d’orientation » ParcoursSup, ont essentiellement pour objectif de masquer l’absence d’un véritable investissement pour porter la capacité d’accueil de l’enseignement supérieur au niveau du nombre considérable de bacheliers sortant chaque année : la génération 2000 passe le bac et les effectifs seront très importants pendant les 10 prochaines années encore.

« Lorsqu’on a 808 000 candidats inscrits en début de procédure sur APB, pour 654 000 places proposées dans l’ensemble des formations, je ne vois pas comment on a pu penser une seconde que la demande pouvait être satisfaite. Ce n’est pas APB qui explose, c’est l’enseignement supérieur qui manque de places, en particulier l’Université »
B. Koehret, créateur d’APB (Le Monde, novembre 2017)

Désormais, plus de tirage au sort mais des refus pour niveau insuffisant. Un glissement habile et sournois de responsabilité de la collectivité vers l’individu.

Un projet socialement toxique

Et c’est l’essence profondément libérale de toutes ces réformes : derrière la flatteuse et attractive façade d’individualisation des parcours et de liberté de choix, les élèves se retrouvent « auto-entrepreneurs » de leurs parcours, de leurs réussites ou de leurs échecs.

Tu as échoué ? Tu n’as pas été pris ? Mais la société/l’état/le gouvernement/l’éducation nationale n’y sont pour rien. C’est bien à toi qu’il faut t’en prendre.
La puissance de cette idéologie est de définitivement masquer les véritables responsables du champ de pensée même des victimes.

Le mensonge de la liberté de choix

La réforme du lycée et du bac est construite de la même manière : terminées les séries, place au choix de ses enseignements, place au parcours individualisé.

La disparition des séries dans la voie générale [1]

Désormais les élèves devront choisir parmi des spécialités, 3 en classe de première de 4 heures hebdomadaires chacune, et il faudra en garder 2 en terminale portées à 6h.

Les coefficients accordés à ces spécialités seront de 16, ce qui fera au total 32 coefficients de spécialisation sur 100 au total. Alors qu’on reprochait aux bacs généraux actuels d’être insuffisamment spécialisés (la partie scientifique du bac S représentait 19 coefficients sur 30), on les généralise davantage.

Les élèves auront le choix d’associer théoriquement (elles ne seront pas toutes disponibles dans tous les lycées) 10 spécialités différentes, mais comme le montre l’exemple britannique, il est plus que probable que seules quelques associations seront reconnues par les universités comme étant « sérieuses ».

Les séries actuelles proposaient un cadre commun fort et cohérent et permettaient déjà des « parcours » diversifiés : on en compte 142 dans l’actuelle série S !

Mais qui saura choisir la bonne association de spécialités nécessaire au recrutement ultérieur dans ses vœux de poursuite d’étude ?
Qui saura guider ses enfants dans ce labyrinthe ? les cadres, les professeurs, ceux qui ont déjà tracé leur chemin dans les études supérieures.
Mais que pourra faire un parent des classes populaires, étranger à tout cela ? Ne laissera-t-il pas ses enfants choisir ? et ces derniers ne céderont-ils pas à la facilité de choisir des enseignements réputés plus accessibles ou plus « sympa » à leurs yeux ?

Derrière le maquillage de liberté de choix, c’est bien un lycée pour initiés que le gouvernement met en place.

La mort programmée de la voie technologique [2]

Dans les projets de textes réglementaires, il est écrit que le bac techno sera structuré comme le bac général avec un tronc commun et des spécialités toutes obligatoires (pas de choix), trois en première et deux en terminale.

Mais contrairement à ce que le ministre a communiqué le 14 février dernier, ces spécialités sont nouvelles, elles ne correspondent pas exactement à l’existant mais s’apparentent à une fusion des différentes spécialités disponibles jusqu’ici.

en STMG Management, sciences de gestion et numérique Droit et économie
en STI2D Ingénierie, Innovation et développement durable Physique-Chimie et Mathématiques
en STL Biochimie-Biologie- Biotechnologie ou Sciences physiques et chimiques en laboratoire Physique-Chimie et Mathématiques
en ST2S Chimie, Biologie et physiopathologie humaines Sciences et techniques sanitaires et sociales
en STD2A Analyse et méthodes en design et arts appliqués Conception, création et réalisation
en STHR Economie et gestion hôtelière Sciences et technologies culinaires et des services – Enseignement scientifique alimentation-environnement

Mais qui enseignera ? et quoi ?

Plus inquiétant encore, si les horaires (non communiqués à ce jour) sont identiques au bac général, les élèves de STI2D passeront pour la classe de terminale de 14h d’enseignement technologique à 6h !

Que restera-t-il de la spécificité de l’enseignement en voie technologique ?
Quel intérêt de choisir cette filière plutôt qu’un bac général avec spécialité sciences de l’ingénieur ?

Contrôle local partout, diplôme national nulle part

Enfin, pour parachever le tout, quoi de mieux que l’introduction du contrôle continu au baccalauréat pour renforcer le déterminisme géographique et donc social ?

Comment peut-on imaginer qu’il n’y aura pas de soupçons de bienveillance excessive des professeurs de lycées de zone défavorisée, de réputation d’établissement d’excellence à tenir dans les lycées de centre-ville ?

Comment peut-on croire que les pressions parentales n’auront pas d’incidence sur l’exercice d’évaluation des collègues, a fortiori avec un système aussi sélectif que ParcoursSup ?

Le mythe du couperet

Que n’entend-on des « Mais les professeurs connaissent mieux leurs élèves et sont mieux à même de les évaluer ! » et des « C’est injuste ces épreuves terminales pour ceux qui ont bien travaillé toute l’année ! »

Mais peut-on renoncer à une telle garantie d’égalité sur le territoire national pour un mythe ?
Les élèves qui travaillent bien toute l’année et qui n’obtiennent pas le baccalauréat sont des cas plus que rarissimes. Il est même extrêmement fréquent que ces derniers obtiennent une mention.

« Les élèves sont trop sous pression des examens au mois de juin »

Eh bien désormais, ils le seront toute l’année de première et de terminale. Toutes les notes seront prises en compte et ils auront trois grosses périodes d’examens partiels supplémentaires portant d’une quinzaine à une trentaine le nombre d’épreuves pour l’obtention du bac. Réduction de la pression ?

Évaluation permanente = désorganisation permanente

Tous ces examens partiels à organiser engendreront de nombreuses perturbations sur les cours réguliers, sans compter la préparation, l’anonymisation et la correction des copies tout en assurant normalement les cours.

epreuves bac Blanquer

Dégradation des conditions de travail

Tout ce travail supplémentaire de correction ne rendra pas le métier plus facile, ni plus attractif !
Et quelle liberté pédagogique nous restera-t-il

  • si les partiels nous imposent une progression commune ?

    « Les sujets d’épreuves communes » tiennent compte pour chaque enseignement concerné de la progression pédagogique des programmes d’enseignement pour les classes de première et de Terminale » Arrêté contrôle continu, article 3 [3]

  • si le chef d’établissement a le dernier mot sur les notes ?

    « À partir des notes des trois séries d’épreuves communes et de l’évaluation chiffrée des résultats au cours du cycle terminal, le chef d’établissement fait une proposition de note globale de contrôle continu pour chaque élève et pour chaque enseignement concerné ». Arrêté contrôle continu, article 7 [4]

Combattre ces réformes n’est pas une option,

il y va de la défense de ce qui fait les fondements même de notre métier :

  • construire une culture commune ambitieuse et soucieuse de la construction du citoyen, permettant l’épanouissement de chacun ainsi que l’insertion citoyenne, sociale et professionnelle
  • offrir une formation initiale débouchant sur des qualifications de haut niveau reconnues collectivement par des diplômes nationaux

Il faut dès maintenant se mobiliser, s’informer et informer collègues, parents et élèves pour empêcher cette réforme.

Retrouvez des outils pour mener cette campagne ici

Contre les mesures antisociales de ce gouvernement, tous dans la rue le 22 mars !