Déclaration liminaire SNES-FSU au CDEN — 3 juillet 2025
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Une nouvelle fois, un personnel de l’Éducation nationale est mort d’avoir exercé son métier. Après Samuel Paty et Dominique Bernard, c’est Mélanie Grapinet, une assistante d’éducation de Haute Marne, qui a été tuée par un élève de son établissement. Nous tenons à exprimer notre douleur ; nos pensées vont à ses collègues, aux élèves et à ses proches. Une nouvelle fois, nous avons eu droit au bal des récupérations politiques et au concours Lépine des fausses bonnes idées qui sont désormais l’alpha et l’omega en matière de politique éducative : portiques de sécurité, fouille des sacs par les forces de l’ordre, généralisation des caméras de surveillance, scanners corporels, interdiction des réseaux sociaux aux moins de 15 ans, etc. Dans un contexte où tous les indicateurs sur la santé mentale des jeunes sont au rouge, où la souffrance au travail s’intensifie au fur et à mesure que les conditions d’enseignement se dégradent, la sécurité est une question difficile mais qui doit être traitée avec un minimum de sérieux, dans toute sa complexité.
Au mépris des demandes des personnels et des besoins des usagers, les annonces de mesures nouvelles se succèdent avec pour dénominateur commun d’être inutiles, coûteuses, souvent inapplicables et sources de difficultés supplémentaires.
Les téléphones
L’annonce par le Département de l’interdiction du téléphone portable dans les collèges ardéchois coche toutes les cases : cela ne règlera rien mais contribuera à compliquer la vie des personnels, en particulier des AED. Comment cette interdiction va-t-elle pouvoir être mise en œuvre ? Avec quels dispositifs matériels ? Pour quel coût ? Quelle charge de travail supplémentaire va incomber aux personnels de vie scolaire ? Si une expérimentation a été menée cette année auprès d’une partie des élèves dans 3 petits collèges ardéchois, on ne voit pas comment il sera possible de contrôler chaque matin les quelque 1000 élèves d’un collège comme celui de Ventadour à Privas. Le Département et le rectorat semblent d’ailleurs avoir conscience du problème, puisque la mise en œuvre du dispositif est renvoyée à une « logique de projet piloté localement » (comme il est écrit dans le document préparatoire du CDEN). Cela revient à dire « débrouillez-vous, l’intendance suivra ! » Il faut peut-être rappeler que l’usage du téléphone est déjà interdit dans les règlements intérieurs des collèges qui prévoient des sanctions en cas de manquement. Nous ne nions pas les nombreuses difficultés soulevés par l’usage des téléphones et des réseaux sociaux par les adolescent-es, mais interdire ce qui est déjà interdit ne sert à rien, cela relève de la posture démagogique (d’autant qu’il ne sera pas difficile de trouver des parades, certain-es élèves pouvant être inventifs dans ce domaine).
Les uniformes
Autre mesure inutile et coûteuse : les uniformes, financés à prix d’or par le Département pour les élèves et les personnels du collège privé du Cheylard. Outre la rupture d’égalité entre les collèges que constitue cette dotation, le choix idéologique de l’uniforme en lieu et place d’une politique éducative ambitieuse pour la jeunesse est d’autant plus inacceptable que le Département se targue des difficultés budgétaires pour réduire sa dotation dans de nombreux domaines. Paré de toutes les vertus, l’uniforme est censé gommer « les différences sociales », permettre « de mieux se concentrer sur l’enseignement » ou de « lutter contre le harcèlement ». Comment nos élus peuvent-ils penser qu’une tenue obligatoire, dont l’idée est empruntée au programme de l’extrême-droite, permettrait de faire disparaître, comme par magie, les difficultés de la société qui se concentrent à l’école aujourd’hui ?
Réduire les vacances d’été (et travailler sous la canicule)
Au niveau national, les dernières annonces du président ou celles du gouvernement continuent d’ignorer les réalités de terrain et les attentes de l’ensemble des personnels. L’annonce de la convention citoyenne sur les temps de l’enfant est une nouvelle diversion de l’Élysée dont personne n’est dupe, alors que les pouvoirs publics ne sont plus en mesure de mettre un
e professeur e devant chaque élève et que nos classes sont les plus chargées d’Europe. Mettre en avant la réduction des vacances d’été, alors qu’on dépasse largement les 30°C dans la plupart des salles de classes depuis déjà plusieurs semaines, il fallait oser ! En évitant les véritables enjeux de l’École – lutte contre les inégalités, conditions d’apprentissage, justice sociale – le président de la République et le gouvernement poursuivent une logique de communication au détriment d’une politique éducative ambitieuse. Les assises de la santé et du bien-être des élèves auraient dû marquer un tournant, les mesures proposées, une nouvelle fois, renforcent les inégalités scolaires. Les redéploiements des équipes pluriprofessionnelles vers le premier degré, sans créations de postes garanties, accentuent la pénurie dans le second degré. Pour la FSU, une véritable ambition pour la réussite scolaire des élèves et pour la lutte contre les inégalités sociales et de santé est possible avec un investissement massif, permettant le renforcement de la présence des personnels et de leur reconnaissance au sein des écoles et établissements scolaires qui agissent au quotidien pour la réussite de tous les élèves.Le “flop” des savoirs
Coûteuse, inapplicable, inutile et destructrice pour l’ambiance de travail, la réforme du choc des savoirs fait flop ! Tous les acteurs de l’éducation nationale jusqu’à l’inspection générale sont désormais convaincus du caractère néfaste de cette mesure. Cet épisode montre une nouvelle fois la tentation des responsables politiques d’instrumentaliser l’éducation nationale pour servir leur ambition personnelle. Malgré le mal fait aux élèves et aux personnels notre ministère s’entête toutefois à maintenir le dispositif. C’est de la maltraitance consciente et assumée. Ainsi les groupes de niveaux devront continuer une année encore alors que plus personne n’y croit et selon des modalités adaptées d’après les mots de la ministre. Là encore chaque établissement devra se débrouiller pour la mise en œuvre, au mépris du principe élémentaire d’égalité. Alors tant pis si les personnels sont usés et fatigués et tant pis si la santé mentale des élèves et des personnels se dégradent. Ce qui compte avant tout c’est qu’un ministre de l’éducation nationale puisse devenir premier ministre ou qu’un président de conseil départemental accède à un poste ministériel.
Des moyens insuffisants
Derrière toutes ces mesures d’affichage, il y a la réalité : celle des moyens insuffisants, des bidouillages de l’administration et de la maltraitance des personnels. Prenons l’exemple du collège de Cruas. Lorsqu’en février, les personnels ont alerté sur des prévisions d’effectifs de toute évidence irréalistes conduisant à la fermeture d’une classe de 5e, ils n’ont pas été entendus. Ils avaient pourtant raison, et la DSDEN vient d’annoncer la réouverture de la division. Le hic, c’est qu’un poste a été supprimé au passage et, qu’avec moins de 10 heures postes allouées, on est très loin des 26h de cours réglementaires plus les 3h de marge d’autonomie. Nos collègues s’interrogent : la prévision d’effectifs de février ne visait-elle qu’à supprimer un poste et rogner encore davantage sur une dotation horaire déjà bien trop juste ? Ce qui est sûr, c’est que les conditions de travail et l’enseignement vont se dégrader : les heures de latin seront réduites, des dispositifs d’aide supprimés et des professeur
es en temps partiel se voient imposer des heures supplémentaires, on marche sur la tête !L’EPS
Malgré les annonces de nos dirigeants sur l’importance de la pratique sportive pour les jeunes, le sport scolaire n’échappe pas non plus à la baisse des moyens. La FSU de l’Ardèche tient à exprimer sa vive inquiétude et son désaccord face à la baisse des IMP (Indemnités pour Missions Particulières) attribuées à la coordination UNSS dans notre département. Alors même que les enjeux de santé, d’inclusion, de réussite scolaire et de citoyenneté portés par l’EPS et l’UNSS sont unanimement reconnus, il est incompréhensible que l’on réduise les moyens financiers alloués à cette mission essentielle. Cette baisse risque d’impacter directement l’organisation des compétitions, le pilotage local de l’UNSS, et à terme, la participation des élèves aux activités sportives scolaires. En fragilisant les coordinateurs UNSS, déjà trop souvent en surcharge, c’est toute la dynamique sportive associative des établissements qui est mise en péril. Nous demandons la révision immédiate de cette décision, dans un souci de cohérence avec les objectifs éducatifs et les besoins du terrain.
Une maltraitance des personnels institutionnalisée
La situation des assistant
Ces pratiques managériales qui ne seraient possibles avec aucune autre catégorie de personnel, sont inacceptables et indignes d’un employeur public. Nous demandons que la situation des AED de Boissy d’Anglas soit réétudiée par les services du rectorat. Au final, ce sont des personnels indispensables dans les établissements à qui on refuse la marge de manœuvre nécessaire à un fonctionnement efficient des services et ce sont les élèves qui pâtissent de ces ambiances de travail délétères. Il devient urgent que les AED soient réellement reconnu e s dans leurs missions et leur importance par la création d’un statut les installant comme membres à part entière de l’Éducation nationale, avec un recrutement et une gestion académique ainsi qu’une reconnaissance salariale accompagnée de perspectives d’évolution de carrière.
Laissons les vivre ici !
La maltraitance des personnels des personnels de l’Education nationale n’est rien à côté de celle infligée aux étrangers. Dans un contexte où le Ministère de l’intérieur fait le choix de durcir toujours plus les conditions de régularisations des personnes étrangères sur notre territoire, la FSU, avec plusieurs organisations, a dénoncé les “rafles” organisées juste avant la journée mondiale des réfugiés pour pourchasser les étrangers en situation illégale. Nous avons rappelé qu’une partie des personnes étrangères sur notre territoire, sont sans titre de séjour à cause des durcissements successifs des politiques migratoires et des conditions de traitement de leur dossier. Les étranger.es ne viennent pas profiter de notre système social, ils et elles viennent travailler, dans les conditions les plus difficiles, la plupart du temps sans aucuns droits, tout en s’acquittant des cotisations et impôts.
Ce sont les guerres, les dérèglements climatiques et la pauvreté qui poussent des milliers de personnes à rejoindre notamment notre pays, souvent au péril de leur vie, pour essayer d’y trouver une existence digne.
Il n’y a pas de crise migratoire, il y a une carence des politiques d’accueil structurées au niveau national et européen.
Enfin nous tenons à dire ici que ces familles ont des enfants, qui ont toute leur place à l’école de la république et qui sont nos élèves, à l’image du jeune homme en bac pro géomètre dont le frère est encore traité pour un cancer et dont la mère a reçu une obligation à quitter le territoire lui intimant d’abandonner ses deux fils tout juste majeurs. Tous les enseignants qui ont eu affaire à cette famille en gardent un souvenir admiratif de tant de courage, de gentillesse et de détermination, et sont stupéfaits du traitement
réservé à cette maman que les gendarmes cherchaient à son domicile vendredi…