Parmi ceux qui aujourd’hui passent devant le très beau lycée Mounier, nombreux sans doute sont ceux qui se souviennent des anciens bâtiments des années soixante. Mais peut-être certains ignorent-ils ou ont-ils oublié ce qu’il a fallu de détermination et d’opiniâtreté dans la lutte pour que l’ancien lycée ne soit pas purement et simplement rayé de la carte scolaire et que ce Phénix magnifique voit le jour.
L’annonce faite à Mounier.
Un CA extraordinaire avait été convoqué pour le 27 septembre 2010. Son ordre du jour, le « devenir du lycée Mounier », n’avait pas alerté, dans la mesure où la restructuration discutée depuis plus de quinze ans, plusieurs fois repoussée au profit d’autres lycées grenoblois, avait enfin été inscrite au plan prévisionnels des investissements (PPI) de la Région en 2008 ; l’année précédente, les équipes du lycée avaient pu rencontrer architectes et techniciens de la Région ; aucune raison de s’inquiéter donc, même si au mois de mai précédent, le tiers nord du bâtiment E (Bâtiment de trois étages le long de l’avenue Marcellin Berthelot) avait été fermé, au prétexte de la pression exercée sur lui par le bâtiment D perpendiculaire. Au cours de l’été, la Région avait fait installer des préfabriqués dans la cour pour compenser les salles perdues.
Le jeudi 23 septembre est une journée de grèves et de manifestations interprofessionnelles et unitaires contre le projet de réforme des retraites Sarkozy / Fillon / Woerth ; parmi les nombreuses banderoles d’établissements, celle du lycée Mounier rassemble des personnels qui ignorent encore l’annonce que le Président de la Région Rhône-Alpes fera le soir même sur France3 : la fermeture du lycée Emmanuel Mounier en juin 2011 « pour des raisons de sécurité ».
Dès le lendemain, une AG réunit les personnels et des élèves. Tous dénoncent la brutalité de l’annonce, avant même le CA de lundi. Déjà apparaît l’incohérence de la Région : s’il existe un véritable danger, pourquoi attendre juin 2011 pour évacuer le lycée ? et si ce danger n’est pas imminent, pourquoi ne pas engager les travaux nécessaires maintes fois promis et repoussés ? Le danger évoqué apparaît surtout comme un prétexte pour fermer « un lycée de trop à Grenoble ». Certains y voient même la probabilité d’une juteuse opération immobilière. Le jour même les premières banderoles sont affichées sur la façade.
Le Samedi 25 septembre, l’annonce de la fermeture fait la « Une » du « Dauphiné libéré ». En page intérieure, l’AG de la veille est relatée tandis que la parole est donnée au nouveau Recteur, nommé pendant l’été : il confirme la fermeture en juin 2011 et la répartition des élèves entre plusieurs autres établissements à la rentrée suivante ; en revanche il dément la décision de fermer pour d’autres raisons que la sécurité et dénonce la rumeur « vieille de 20 ans » d’un « lycée de trop à Grenoble ».
Lundi 27 septembre 2010. Le CA extraordinaire s’ouvre dans une ambiance tendue : à l’extérieur, une foule constituée d’élèves, de personnels de l’établissement, de parents, mais aussi de personnes extérieures à l’établissement attachées à l’existence de ce lycée des quartiers sud, a organisé un rassemblement qui devient un sit-in devant l’entrée principale, à quelques pas seulement de la salle du conseil.
La délégation de la Région, menée par la vice-Présidente en charge des lycées et comprenant plusieurs conseillères et conseillers de l’Isère ont pu entrer par un autre accès. Cependant, plusieurs conseillers ou attachés viennent à tour de rôle s’adresser aux manifestants. Un attaché vient tenter d’expliquer la décision du président de la Région ; les élèves ont saisi son prénom et l’interpellent : « Barnabé, avec nous ! ». Une conseillère régionale écologiste vient nous expliquer qu’elle n’est pas solidaire d’une décision qu’elle a découvert dans la presse en même temps que nous.
En revanche une conseillère régionale socialiste, très imbue de son mandat, est ulcérée que l’on ait osé organiser une manifestation « contre elle » et répète à plusieurs reprises « je suis une élue, tout de même ». Ce à quoi nous lui répondons que « nous, nous sommes électeurs ! » A l’intérieur, le CA est un dialogue de sourds plus de quatre heures et demie durant ; les représentants de la Région présentent des données techniques et développent la nécessité de raser les bâtiments actuels ; sans s’engager sur la reconstruction du lycée, ils se contentent d’évoquer la possibilité d’une discussion sur un futur projet de nouveau lycée.
En même temps que le CA extraordinaire et le rassemblement devant le lycée, devait s’ouvrir à l’Hôtel de Ville un conseil municipal. Une délégation des personnels et des élèves s’est invitée à ce conseil. Une délégation qui n’a pas oublié de médiatiser son intervention : ce sera la marque de fabrique des « Mounier » au cours des semaines et des mois qui vont suivre (DL du 28/9/10).
La lutte s’organise.
Dans les semaines et les mois qui suivent, les AG des personnels, élèves et parents vont s’enchaîner. Très vite il apparaît que le combat sera long et qu’il doit donc impacter le moins possible le fonctionnement normal du lycée. L’identité de Mounier, c’est d’être le lycée des quartiers sud, celui d’une forte mixité sociale, celui de la réussite d’élèves malgré un environnement social et culturel peu propice : il est donc hors de question de sacrifier l’année scolaire. Les AG sont limitées à deux heures ; les jours et les heures varient pour ne pas pénaliser les mêmes élèves ou les mêmes enseignements ; il se met en place une rotation tacite des enseignants et des élèves des classes d’examen ; la pause méridienne (12h00-14h00) sera largement utilisée pour les actions, ainsi que les soirées ; à l’exception des journées de grève nationale, interprofessionnelles à l’automne, puis dans l’Éducation au second trimestre, il n’y aura que très peu de journées de grève spécifiques à Mounier, si ce n’est pour se rendre à deux reprises à Charbonnières ; mais là encore les délégations sont constituées pour pénaliser le moins possible les classes d’examens.
Dans les cortèges interprofessionels de l’automne, comme plus tard au sein des manifestations "Éducation", les "Mounier", comme les médias puis l’opinion ne tardent pas à nommer le collectif de lutte, sont présents avec banderoles spécifiques, collecte pour financer la lutte et pétitions, souvent en plusieurs points des cortèges.
Bientôt des stickers « we love mounier », puis des badges épinglables, font leur apparition et sont portés, contre signature de pétition et participation à la collecte, par de nombreux manifestants ou sur des banderoles d’établissements.
Le collectif avait décidé d’actions pacifiques mais spectaculaires. Cela commence dès le premier octobre : à 13h00 précises, rue Félix Poulat au centre-ville de Grenoble et au pied des bureaux de l’antenne grenobloise de la Région, des personnels et de très nombreux élèves se sont immobilisés comme figés pendant 5 minutes dans l’attitude et la posture qu’ils avaient choisies ; la « flash-mob » et le « top » du « freeze » avaient utilisé les téléphones portables pour coordonner l’ensemble. Dans l’après-midi, une immense banderole, fabriquée la veille dans la cour du lycée, est déployée sur la Bastille, visible depuis le centre de Grenoble comme depuis le Rectorat. En une semaine, le coeur rouge est devenu le symbole de la résistance des « Mounier ».
Les autorités ont fait retirer cette banderole, mais un mois plus tard, le 5 novembre, les « Mounier » organisent une « prise de la Bastille » : Une centaine d’entre eux ont gravi les pentes escarpées sous l’oeil des médias et installé une nouvelle banderole, qui restera en place de nombreuses semaines, preuve de la popularité grandissante de la lutte.
Les manifestations devant le lycée, dans le patio de l’Hôtel de Ville, devant les locaux grenoblois de la Région ou devant le Rectorat vont se multiplier ; à chaque fois les médias sont invités et le collectif fait preuve d’une grande créativité : en décembre, de chaque côté d’un immense coeur rouge peint sur la chaussée de l’avenue Marcellin Berthelot, bloquée à la circulation, élèves, personnels et parents se positionnent, une feuille blanche tendue à bout de bras au dessus de la tête, pour écrire « WE » et « MOUNIER » ; début janvier, après une répétition pendant la récréation de 10h00 sur l’avenue une nouvelle fois bloquée, le collectif a organisé une « flash-mob » et une chorégraphie sur la musique « Waka-waka » de Shakira, sous la direction d’une enseignante et de deux élèves. Le barnum et la nouvelle sono de la section départementale de la FSU, déjà présents devant le lycée, seront désormais de toutes les mobilisations. La chorégraphie sera reprise plusieurs fois devant le Rectorat ou encore le parvis de la Maison de la Culture (MC2).
Le morceau de musique de Shakira et sa chorégraphie deviennent la signature des "Mounier", en alternance avec "On lâche rien" de "HK et les saltimbanks"dont les paroles du premier couplet résonnent si bien avec la réalité des quartiers sud de Grenoble.
Fin novembre 2011, empêchement du proviseur, de l’adjoint et du gestionnaire de gagner leur bureau par un amoncellement de chaises et de tables dans les couloirs et escaliers entre leurs logements de fonction et le bâtiment administratif. L’action n’est pas dirigée contre la direction de l’établissement, mais bien pour obtenir enfin un entretien avec le Recteur.
Le mercredi 1er décembre, blocage de l’avenue Marcellin Berthelot (voitures et tram) depuis 7h00 du matin. En fin de matinée, les voies du tram sont libérées mais la circulation automobile reste bloquée jusqu’en fin d’après-midi.
D’autres actions, tout autant médiatisées, sont parfois plus silencieuses, comme pour des membres du collectif d’assister aux conseils municipaux de Grenoble ou au voeux du Président de Région en janvier 2011 en brandissant devant eux des affichettes "we love Mounier".
Les modalités du combat sont parfois plus discrêtes. Dès le lendemain du CA extraordinaire, l’AG avait décidé de répondre point par point aux arguments de l’exécutif régional sur la dangerosité des bâtiments. Ils saisissent un cabinet d’expertise reconnu au plan national, auprès des tribunaux comme auprès d’instances internationales qui siègent à Genève. Le 14 octobre 2010, le collectif rend public le rapport de contre-expertise réalisé par ce cabinet : il est parfaitement possible de poursuivre les activités pédagogiques dans les mêmes conditions qu’à la rentrée, à savoir en utilisant le bâtiment D (5 étages) et les 2/3 sud du bâtiment E (3 étages le long de Marcellin Berthelot) et ce, pour une durée d’au moins 5 ans, ce qui permet de lancer la première tranche des travaux prévus depuis 2008. Sur la base de ce rapport, le collectif décide de contester la décision de fermeture prise par le Président de Région devant la Justice administrative. En même temps il invite la Région, les élus locaux et les citoyens grenoblois à "un grand débat public contradictoire sur le dossier technique". Mais cette invitation reste lettre morte, le Président de Région, dont il apparait de plus en plus qu’il a pris seul cette décision, la déclinant.
Un écho national.
Très vite, les "Mounier" ont voulu donner à leur combat un retentissement qui dépasse les limites de la cuvette grenobloise. Dès le 24 novembre, "l’Humanité" consacre une page aux actions des "Mounier". Le 4 janvier, c’est "Le Monde" qui rend compte d’une AG tenue la veille au lycée. "Médiapart" suit également le dossier. Mais le point d’orgue de cet élargissement interviendra le dernier wee-end de janvier. Les « Etats généraux du renouveau », initiative nationale autour des publications « Libération », « Le Nouvel Observateur » ou « Marianne », ont lieu à la Maison de la Culture (MC2) de Grenoble, à une station de tram du lycée Mounier. Au-delà des associations et fondations parties prenantes de l’initiative, de nombreuses personnalités politiques de gauche seront présentes : Benoit Hamon, alors porte-parole du PS, Ségolène Royale, ancienne ministre et ancienne candidate à la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon du Parti de gauche, Pierre Laurent du Parti communiste ou encore Philippe Mérieux, pédagogue et conseiller régional écologiste. Des personnalités plus à droite ont également fait le déplacement : Dominique de Villepin ou encore Corinne Lepage. Les « Mounier » sont présents avec banderoles et badges à la gare à l’arrivée du TGV, au marché de l’Abbaye où quelques personnalités de gauche viennent soutenir une candidate socialiste aux cantonales, dans le quartier de la Villeneuve et bien sûr sur le parvis de la MC2 où une nouvelle fois le barnum et la sono de la FSU sont mis à contribution. Au cours du week-end, certains participants aux « Etats généraux » font le déplacement jusqu’au « campement » devant le lycée : Benoit Hamon, Philippe Mérieux, Jean-Luc Mélenchon, Corinne Lepage ou encore Pierre Laurent.
La Région et le Recteur : un numéro de duettistes ?
Avec le Président de Région, cela commence par un bras de fer. Lors du CA du 27 septembre, Jean-Jack Queyranne avait fait savoir qu’il acceptait de les rencontrer le lundi 4 octobre. Ils avaient alors cru que le Président de la Région allait venir sur le site voué à la destruction. Ils apprennent le jeudi 30 septembre qu’une délégation du collectif sera reçue le lundi sivant à 8h00 au siège du Conseil Régional à Charbonnières, dans l’ouest lyonnais ! Alors que depuis le début de la semaine, malgré les AG et les actions, tout a été fait pour maintenir au maximum les cours, ce déplacement et l’heure choisie apparaissent comme une véritable provocation : à près de 95% des deux cents personnes présentes, le vote organisé dans le gymnase rejette le déplacement. Les « Mounier » exigent de rencontrer le Président de Région à Grenoble !
Sans même attendre le CA du 27 septembre, le Recteur avait annoncé le 25, dans la presse, la fermeture du lycée en juin 2011 et la répartition des élèves dans d’autres lycées.
Le 18 octobre, a lieu une première rencontre entre une délégation de Mounier et la vice-présidente de la Région en charge des lycées, à l’antenne grenobloise de la Région. La proposition de la Région présente une évolution : plus de fermeture sèche en juin prochain ; les élèves scolarisés actuellement pourraient achever leur cursus, plus de seconde à la rentrée 2011, plus de premières l’année suivante, fermeture en juillet 2013 en vue d’une déconstruction puis d’une reconstruction par étapes. Cette proposition est immédiatement rejetée par l’ensemble de la communauté éducative car dans le meilleur des cas, le nouveau lycée ne verrait le jour qu’après trois ans de fermeture, trois ans au cours desquels tout peut advenir, mais surtout trois ans au cours desquels la communauté actuelle, construite autour d’un projet de réussite des élèves, dans la mixité sociale, serait dispersée. Enfin, le collectif n’a aucune confiance dans les engagements lointains et y voit surtout une manœuvre pour réduire et diviser l’opposition actuelle. Il rappelle les conclusions de sa contrexpertise qui rend possible le fonctionnement dans les conditions actuelles, même si la restructuration, envisagée depuis plus de quinze ans et programmée depuis 2008, reste nécessaire.
Fin novembre, le Recteur annonce à la presse, en s’appuyant sur l’argument de la sécurité, qu’il n’y aura pas de nouveaux élèves de seconde à la rentrée 2011. Il met œuvre la décision de la Région de fermeture progressive sur trois ans et organise le redéploiement des élèves de seconde et des deux BTS.
Deux jour plus tard, suite à un nouveau blocage de l’avenue Marcellin Berthelot, tram et voitures toute la matinée, puis voitures jusqu’au soir, le Recteur annonce qu’il recevra enfin les élus au CA.
Dans les jours qui suivent, le Président de Région désigne Bernard Cohen, ancien proviseur du lycée Lesdiguières et ancien chef de cabinet au rectorat, comme médiateur. Finalement, trois autres médiateurs lui seront adjoints : Georges Roche et Bernard Jacquier, anciens proviseurs du lycée Mounier, ainsi que Bernard Verneyre, ancien proviseur du lycée professionnel Jean-Jaurès.
Au bout de 5 semaines de travail, ces médiateurs doivent remettre au Président de Région leur rapport le 11 janvier 2011. Mais dès le 3 janvier, le Recteur brocarde, dans une interview, ce qu’il croit savoir des préconisations à venir des médiateurs. Il affirme que le redéploiement à la rentrée 2011 des secondes et des BTS est désormais « effectif et irréversible ».
Dans leur rapport, les médiateurs, après avoir rappelé l’histoire du lycée, son ancien statut « expérimental » et son ambition de mixité sociale, tentent de concilier la volonté du collectif de poursuivre sa mission pédagogique et les « impératifs de sécurité ». Ils proposent de réduire de moitié le nombre d’élèves, tout en conservant le nombre de secondes nécessaires (4 à 5 au lieu de 7) pour conserver un volant d’options et de langues vivantes suffisant à la viabilité de la mission pédagogique. Ils proposent de désaffecter le bâtiment D, ce qui signifie la fin de la demi-pension : les élèves pourraient prendre leur repas au lycée professionnel Guynemer (1 à 2 stations de tram). Ils concluent en proposant que le Président de Région notifie sans délai la reconstruction du lycée Mounier sur le site actuel et produise un calendrier de la construction tout en maintenant la surveillance du site. Ils demandent au Recteur de revenir sur les mesures de redéploiement de quelques-unes des secondes. Jean-Jack Queyranne remercie les médiateurs pour leur travail, confirme la volonté de la Région de construire un nouveau lycée pour la rentrée 2016 et demande au Recteur de lui faire savoir si les préconisations des médiateurs peuvent être mises œuvre.
Lors du CTPA (Comité Technique Paritaire Académique), instance consultative qui doit émettre en janvier un avis sur la répartition des moyens d’enseignement entre les lycées, le Recteur prétend le 20 janvier « qu’aucune décision n’avait été prise », mais dans les documents, les moyens prévus pour le lycée Mounier ne prennent en compte ni les classes de seconde, ni les deux BTS. Dès le lendemain le lycée et l’avenue Marcellin Berthelot sont de nouveau bloqués, avec menace de reconduction.
Mais le 25 janvier, conférence de presse du Recteur, tandis que le collectif manifeste devant le rectorat protégé par la police en tenue de combat. Le Recteur estime devant la presse que les préconisations des médiateurs ne tiennent pas la route et confirme qu’il n’y aura ni seconde ni BTS au lycée Mounier à la rentrée 2011 et que l’établissement fermerait ses portes en 2013.
Pourtant, le lundi 7 février, le Recteur annonce le maintien de trois classes de seconde à la rentrée 2011. Les « réserves, tant en termes pédagogique que de sécurité » qu’il exprime montrent assez qu’il ne cède qu’à contrecœur et en dit long sur les pressions exercées. Les « Mounier » ne crient cependant pas victoire ; certes la perspective de fermeture complète à l’horizon 2013 s’éloigne et le lycée restera ouvert ; mais le transfert des deux BTS, à Meylan pour l’un, à Seyssinet pour l’autre, sont confirmés, ce qui signifie qu’il n’y aura pas de suite d’études sur place pour « tirer » les STG vers le haut. Par ailleurs, le nombre de trois secondes est en deçà des préconisations des médiateurs (4 à 5) et surtout, sur les trois principaux collèges de recrutement, les deux conservés, Villeneuve et Village Olympique sont ceux des quartiers les plus défavorisés ; en écartant le secteur de recrutement du collège Charles Munch à la fois moins défavorisé et surtout partenaire, comme le lycée Mounier du Conservatoire pour les élèves musiciens, le Recteur porte un coup supplémentaire à la mixité sociale, socle du projet du lycée. De plus le lycée Mounier devient de ce fait le seul lycée de l’académie à n’être plus implanté sur son secteur de recrutement.
La mobilisation continue...
Le jeudi qui suit l’annonce du Recteur est un jour de grève et de manifestations pour l’Education et contre la politique de casse incarnée par Luc Châtel, le ministre de l’éducation de Fillon et Sarkozy. Les « Mounier » restent mobilisés, comme en témoigne leur présence en tête de cortège, derrière la banderole de tête.
Le Samedi 19 mars, nouvelle manifestation pour la défense du service public d’éducation. Comme le 10 février de nombreuses écoles primaires et établissements secondaires sont représentés. Les « Mounier » arborent une nouvelle banderole.
Les « Mounier » entendent ainsi faire valider leur première victoire ; pour autant ils veulent montrer que le combat continue, comme lors du conseil municipal du 18 avril auquel ils assistent, silencieux mais en tenant devant eux des affichettes « Mounier, 200 jours de colère » ou encore le 28 mai, lorsqu’une nouvelle banderole géante (25m de long sur 10 de large) est tendue sur les remparts de la Bastille.
Le « Merci » est adressé à l’ensemble de la population grenobloise, citoyens et élus locaux qui ont soutenu le combat des « Mounier ». Pour autant le collectif, persuadé que la Région comme le Recteur espère asphyxier le mouvement par la réduction des effectifs du lycée, reste déterminé à poursuivre le combat dès la rentrée, si ce n’est pendant les congés d’été, puisque le 23 jiullet 2011, à l’occasion d’une étape contre la montre du "Tour de France" qui se déroule à Grenoble, les principaux courreurs du classement général, et en dernier le maillot jaune, passent devant une banderole "Mounier".
...sous des formes différentes.
Le lundi 5 septembre 2011 est le jour de rentrée des élèves. Les journalistes sont présents, accueillis par quelques professeurs, mais le mot d’ordre du collectif est que la rentrée doit être « normale ». Il s’agit de faire la démonstration que l’on peut étudier à Mounier dans de bonnes conditions et réussir. Mais malgré cet affichage, la joie de rester ouvert le dispute à l’amertume d’une victoire tronquée : des enseignants des disciplines tertiaires, très impliqués dans la lutte l’année précédente, dont l’essentiel du service était en post-bac, ont suivi leurs BTS à Seyssinet ou Meylan ; la fermeture du bâtiment D et donc de la cantine a chassé du lycée les personnels de cuisine et réduit le nombre d’agents de service ; la réduction drastique des secondes, comme l’absence d’intervention en BTS, contraignent des enseignants à effectuer des compléments de service dans d’autres établissements. Le collectif de lutte reste debout, mais se trouve bien amoindri ; le resserrement du secteur de recrutement fait craindre un "effet ghetto" à l’origine de stratégies d’évitement de la part de certaines familles, d’autant que des parents volontaires pour faire inscrire leurs enfants au lycée ont vu leurs demandes de dérogations refusées et doivent faire appel au TA. Le sentiment partagé est que le combat n’est pas terminé et que la Région malgré ses engagements et le Recteur très réticent au maintien du lycée misent sur l’asphyxie du lycée et de son collectif défense pour revenir sur leurs décisions de maintien et de reconstruction sans fermeture.
Le mercredi 5 octobre, en présence de journalistes, le bâtiment D est symboliquement déclaré ouvert par le collectif, suite à un vote du CA le lundi précédent. La fermeture avait été une décision sans fondement légal et en contradiction avec les expertises du cabinet mandaté par les « Mounier » ; une action en justice contre cette fermeture a d’ailleurs été initiée. Une plaque commémorative, imaginée par les parents, a été posée, « en souvenir des enseignants et élèves de BTS » affectés à Meylan et Seyssinet. A plusieurs reprises au cours de l’année, les parents inviteront élèves et personnels à un repas partagé organisé sur place pour protester contre la fermeture de la cantine.
En novembre enfin a lieu l’audience au TA de Grenoble sur les différents recours des "Mounier". Le Président de Région s’est vu refuser par la commission permanente du Conseil régional le doit de défendre ses décisions face aux requêtes en annulations du collectif ; écologistes, communistes et Parti de Gauche ont en effet joint leurs voix à celles de l’opposition de droite pour refuser cette autorisation : le rapporteur public demande l’annulation des décisions de Jean-Jack Queyranne, en particulier la fermeture des bâtiments et la réduction de la capacité du lycée. Deux motifs sont avancés : « l’incompétence du Président de Région à décider seul de la fermeture du bâtiment » et surtout « l’erreur manifeste d’appréciation quant à la dangerosité des bâtiments ! ». Le 25 novembre, le jugement du TA suit les conclusions du rapporteur et annule la décision de réduire les effectifs du lycée, ce qui annule toutes les décisions qui en découlent. Le TA donne raison à tous les arguments des « Mounier » mais il reste à obtenir du Recteur le retour des BTS, le retour à une sectorisation permettant une véritable mixité et les moyens pour rétablir le nombre de secondes à la rentrée 2012.
Jeudi 29 décembre. Le « Dauphiné libéré » rend compte de son sondage « Ils ont fait 2011 en Isère ». Avec 35% des votants, les « Mounier » et leur combat arrivent en tête !
En mai 2012, dans une nouvelle donne politique, nouveau Président de la République, nouvelle majorité parlementaire, nouvelle audience au TA. Les « Mounier » demandent qu’une injonction soit faite au Recteur d’appliquer le jugement du 24 novembre 2011, alors que, malgré l’ouverture d’une quatrième seconde, les effectifs du lycée devraient continuer à décroître à la rentrée 2012. Cette fois les conclusions du rapporteur public sont un peu décevantes : sans doute a-t-il préconisé la levée de l’interdiction d’utiliser le bâtiment D, mais il a proposé le rejet de la requête sur la mise en application de la décision de justice par le recteur au sujet du nombre de classes et d’élèves à accueillir, dans la mesure où ce dernier n’a pas encore pris de décision définitive.
Le 4 septembre 2012, comme le titre le DL du jour, c’est une « nouvelle rentrée à minima », avec 70 élèves de moins qu’à la rentrée 2011. Toutefois l’ouverture d’une quatrième seconde laisse espérer une remontée progressive pour les années suivantes. Et le bâtiment D étant réouvert, la restauration scolaire a été rétablie et les personnels de cuisine et de service ont pu revenir !
En juin 2014, les plans et la maquette du nouveau lycée sont présentés. Il devrait ouvrir en 2019 et accueillir, outre ses filières générales et tertiaires, ainsi que le CLEPT, les filières professionnelles du lycée Jean-Jaurès. En décembre 2015, la nouvelle région « Auvergne – Rhône-Alpes » bascule à droite lors des élections régionales et il faudra encore attendre octobre 2016 pour que la nouvelle majorité régionale débloque 52 millions d’euros et confirme le démarrage du chantier pendant l’été 2017 !
Jacques AGNES


